Félix P.


Les rues de mon pays
à Emmanuel

J’ai entendu parler de cette ville que je connais si bien. Ses rues se jettent dans la mer. Elles sont inattendues et familières, elles ruissellent, se cachent et s’imposent comme des évidences. On s’y sent chez soi mais jamais totalement en tranquillité. Elles nous exaltent et nous transportent. Au fil des rampes, des marches et des trottoirs, elles se changent de bitume en rocher, de gravillons en escalier. 
Vers le Roucas, elles côtoient les grands murs de ciment des cimentiers, les bougainvilliers et l’odeur des plantes sucrées qui surgit à la nuit tombée. Vers le Roucas, elles serpentent dans les hauteurs et multiplient les passages secrets. On ne fait même plus attention aux noms qu’elles portent. Les impasses traversent les rues qui cheminent en labyrinthe. Dans cette forteresse partagée par les chats et les quelques passants, elles constituent ces vaisseaux entrelacés que dessinent les bâtisses privées aux jardins exotiques. Elles s’appellent Rose, Nicolas, Bourguignons, Souvenir…
Vers Malmousque, elles sont plus prisées et moins secrètes. Elles se présentent plus crues et s’ouvrent encore davantage à la vue du soleil et de la mer. Le bout de la montagne se jette dans la presqu’île. Si on vient de la forteresse impersonnelle et coloniale, peut-être par les escaliers Frédéric Garnier, on dépasse le Marégraphe avant d’arriver directement dans la mer qui nous prend d’un bras. On s’y abandonne. On y croise des chats et des rats, et pas qu’entre entre chiens et loups. Il y a de tout. C’est un village entre ciel et mer. Ici elles s’appellent Boudouresque, Monplaisir, Maldormé, Capricieuse…
De part et d’autre de la grande Kennedy, elles nous surprennent. On s’y abrite comme des souvenirs. À la tombée du jour, les reflets du soleil les colorent. Le calcaire reflète l’or, regarde une dernière fois l’horizon, puis s’endort. La pierre a-t-elle une âme ? J’ai vu son miroir, son infini, à la façon dont elle laissait le soleil la réchauffer le soir, encore un dernier instant.  






Né à Marseille en 1988, Félix P. a grandi où les rues se jettent dans la mer. Curieux et sensible, il aime se plonger et s'envelopper dans ses souvenirs d'enfance et écrit ainsi de petits poèmes. Il aime beaucoup Francis Jammes et vit désormais à Paris. Présent dans les n° 38 et 39 de Lichen.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire