Éric Moutier

 

Permis de construire

 

Je ne suis qu’un bâtisseur érigeant sa maison sans faire de bruits.

Sur mon chantier, ni perceuse, ni marteau, ni bétonnière ;

Sur mon terrain, ni engins, ni matières premières.

Ma maison, je la souhaite tendue vers les hauteurs, frôlant la cime des passions humaines.

Et sa dalle, je la coule solide, armée de cette sagesse livrée par la vie, dont le ferraillage a la force de tuteurer les jeunes consciences.

J’ai pris pour architecte le cœur d’un enfant qui jouait près de moi,

Faisant d’un bout de bois ramassé à la hâte la plus noble des montures

Et voyant dans une vague s’écrasant sur les rochers un feu d’artifice tiré par la mer.

Lui seul saura préserver ma construction des lotissements faits sur plan, 

Où chaque maison est la même, où tout est défini, étiqueté, 

Où les parements de pierres veulent faire oublier la finesse de la dalle et les murs de papier.

Je sais bien que l’on s’y rue, dans ces maisons-là, mais quitte à construire, autant le faire avec vérité.

Les mots sont mes outils et je les affute tour après tour, poème après poème.

Les sentiments sont les cloisons qui forment mes chambres intérieures,

Où l’on rit, où l’on vit et où l’on pleure, et où cela se fait avec noblesse et vigueur!

Et les pensées profondes sont les indispensables fenêtres, nombreuses, et toujours ouvertes à d’autres horizons. 

Oui, je la bâtis, cette demeure, erreur après erreur, dans les mots et les silences,

Cherchant sans prétention la construction d’un bel intérieur.

Je vois les murs de la maison s’élever encore et toujours plus,

Croyant savoir que l’architecte ne connait pas l’art du cloisonnement.

Faisons lui confiance, à cet enfant libre,

Laissons l’édifice sans toit, regards rivés vers l’ailleurs étoilé,

Apprenant face à face à n’être qu’une toute petite poussière

Et peut-être, qui sait, à devenir poète.

 

 





Éric Moutier se présente ainsi : « Gentille poussière de 38 ans ne cherchant pas la gloire, marié, vivant dans l’inspirante nature corse et lavant des vitres pour gagner sa vie. Écrit de la poésie depuis ses 6 ans et la découverte de Nuit de Neige. À publié quelques poèmes dans le magazine Carnet d’Art. À une autre époque, a écrit et composé des chansons jouées sur Paris, reçu une formation d’art dramatique aux cours Florent, et exercé l’art de la lecture audio pour des projets bénévoles. » C'est sa première apparition dans Lichen.

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