par Nadège Cheref
Jean-Paul Gavard-Perret
Photo de Sylvie Aflalo-Haberberg
C’est un grand honneur et un véritable plaisir de vous présenter le poète Jean-Paul Gavard-Perret. Ecrivain et poète talentueux, sensible, curieux, sensitif et généreux, j’ai appris à entrer dans son monde de fantaisie comme on entre dans un délire créatif sans fin et insatiable. Il ne s’interdit rien, cela me parle bien évidemment et c’est ce qui le rend différent et profond. Je le remercie de m’avoir accordé cet entretien et lui exprime toute mon affection.
Bio-bibliographie
Jean-Paul Gavard-Perret né en 1947, est écrivain et critique d’art contemporain (24 heures, Huffington Post, L'Oeil de la Photographie, Le Littéraire, Turbulence Vidéo, Esprit,etc.). Il a publié un grand nombre de livres : poésie, textes courts, essais sur l'art et la littérature du temps. Citons entre autres « Généalogie vénitienne", 1998, Editions Rafael de Surtis, " L'oeil du Cyclope",2001 La Main Courante, "Samuel Beckett : l’Imaginaire paradoxal ou la création absolue", 2001 Editions Minard, "Chants de déclin et de l’abandon", 2004, Editions Pierron, "La mariée était en rouge", 2008, Editions du Cygne, « Labyrinthes", 2012, Editions Marie Delarbre, « Les Seins d’Abeille », 2014. Editions Jean-Pierre Huguet, "Le boxon de X", 2019., Z4 Editions, "Le Faubourg",(2021) Voix Editions, Richard Meier, Depiis 2023 il a publié 8 ouvrages aux éditions constellations : le plus rédent : « Doux leurres » (2025).
Entretien
Nadège Cheref : Cher Jean-Paul, tu es l’auteur prolifique de plusieurs dizaines d’ouvrages, essais et recueils de poésie. Tu as publié des recueils de poésie dans les années 70. Peux-tu nous parler de ta première rencontre créatrice avec la poésie ? Te souviens-tu de ton premier poème ?
Jean-Paul Gavard-Perret : J’ « écrivaillais » depuis longtemps sans oser écrire de la poésie. Je me suis mis presque par hasard à oser un ensemble dans une sorte de droit intime. Il s’est appelé « Corps de pierre » animé de sensations et non des idées. Ce que j’ai compris de manière instinctive : des mots viennent l’idée. Bref la création part des mots. Créant des idées ils rebondissent sur elles par ce que les mots eux-mêmes viennent de suggérer. Ce fut déjà refuser la position du démissionnaire au langage.
N.C : Le désir , l’érotisme stimulent souvent (mais pas toujours!!) ton imaginaire poétique. Est-ce que raconter le désir ou le plaisir nous donnerait le sentiment d’être encore plus vivant ?
J.P G.P : Oui beaucoup. C’est pour moi entendre et faire entendre la pulsion de vie par ce que le désir oblige. La satisfaction d’écrire échapper au fait de raconter le désir ou le plaisir. (Donc rien de s’ "autobiographier" là dedans). Tout se joue dans un mouvement de bascule du langage au sujet par où s’ouvre échancrures et abîmes. Cela est à étendre au concept de sexualité pour se rapprocher de l’Éros du divin Platon ou de Lacan. Et la complicité du miroir, l'angoisse (inhérente au trou du désir) fait préférer le trou d'une serrure.
N.C : Tu as exploré Samuel Beckett et écrit sur son œuvre. Nombreux de tes poèmes sont une exploration du monde et de ta recherche intérieure...La poésie de Beckett, je trouve, contrairement à ses œuvres théâtrales est loin de l’absurde, proche de la vie, de la mort, des sens, des émotions. Elle explose en lucidité même dans les métaphores. Quel serait pour toi le rôle de l’absurde dans la poésie ? A t-il vraiment sa place ?
J.P G.P : Beckett est devenu mon seul maître. J’ai ressenti en lui que raconter des histoires – mais est-ce des histoires – c’est tenter de se reprendre en elles, de faire corps, de faire le poids. L’absurde ou son idée est remplacé par un mentir-vrai par indécision et être capable de donner corps à son mutisme. S'user en usant la parole pour qu’elle devienne le plus parfait silence mais un silence qui parle afin que quelqu'un l'entende. Sans quoi son flot ne pourrait s'écouler. Loin de l’absurde qu’il a d’ailleurs dépassé, Beckett a écrit sans illusion sans désillusion non plus afin de se marier à une parole sans identité. Dès lors écrire c’est écrire sans rien dire mais non pour ne rien dire. C’est devenir sans voix parmi les voix, fidèle au premier effroi. Le reproduire. Le justifier d'un sang d'encre dans ce que, pour ma part, j’écris en un ressassement avec la toujours même histoire de désir. Peut-être pour la survie plus qu’à la conservation de l’espèce. Bref sans cesse. Et sans cesse recommencer.
N.C : Quels sont les poètes (français ou étrangers) qui t’ont le plus bouleversé, par leur talent, leur univers ou leur intensité ?
J.P G.P : Comme je l’ai dit ci-dessus Beckett m’a tout appris. Enfin un auteur me parlait. Suivent derrière lui Dante, Robert Pinget, Nietzsche, Schopenhauer, Christian Prigent et Valère Novarina. C’est dans ce cocktail que je cherche encore et toujours une voire « mon » écriture. Grâce à eux ce n'est pas «dehors que les oiseaux s’"éjouissent" encore, mais dedans - ici et maintenant ou dans le temps des œuvres du passées)-que la braise des mots se constitue face à s l’incertain que de tels auteurs travaillent.
N.C : Enfin, Jean-Paul, quelle serait ta définition de la poésie ? Tu peux y répondre par un poème si tu le désires.
J.P G.P : Idéalement la poésie se dégage du narcissisme. Elle n'appartient pas aux fameux écrivains de l'autofiction dont le prétendu "commentaire" sur eux-mêmes cache un "comment taire". La poésie tente une dimension capitale de l'existence. Tout passe par le langage et non par les idées. C'est par lui que se cherche une vérité qui n'est pas d'apparence mais d'incorporation. La poésie parcourt par son écriture le monde et le temps. Au poète de s'arracher à la fixité de son "visage" pour nous plonger vers l'opacité révélée d'un règne énigmatique de la « figure » humaine. Maître de la langue et de la vie la poésie parle toujours à l’intelligence et au cœur à l’écart des cuistres. Elle se bat sans violence mais sans résignation au milieu du désert que représente la terre des hommes. Son « pas au delà » (Blanchot) s’enfonce par et dans les frontières de la langue française. La poésie "ait" un écrivain atypique, marcheur insatiable de l’existant dans l’approche d’une sérénité qui n’exclut pas la douleur.
Poèmes de Jean-Paul Gavard-Perret
Tout sur sa mer
Barbouilleur de préambules et des fins de non-recevoir j’esquisse entre le vide et le plein mes possibilités. Ce n’est pas la mère à boire même s : chaque être formaté reste un vrai faux menteur pour tenter d’acquérir sa réalité. Chacun admire dans ce cas le diable ou le bon dieu. Chez moi une seule de ces options s’installe et ma pensée devient peinture - abstraite ou figurative, parfois très antique, parfois mâchurée de Méditerranée : celle-ci demeure indispensable pour refaire ma vitrine et ma bonne santé.
Girondes (plus alliées que creuses)
Je songe aux vestales dont le hiératisme et les mensurations mettent en pâme. Mais ce que j'aime en elles et dans l'écriture, c'est le relâchement. Le mouvement, la concentration, la spéculation sont tout entiers contenus dans cette disposition. Pourquoi se priver de telle douceur ? Ma machine est en route dès que les mots ou les femmes se plantent dans mon cœur. Il saigne un peu. Les deux n’y pensent pas mais en savent trop. Nuque fléchie, elles trient mes rêves.
Edith Elle
Je suis ultra intelligence comme presque tous les dingues. Je n’en fais pas une théorie : juste pour me sortir d’un guêpier : je sens le vent venir de loin alors je me prépare toujours à la houle.. Dressée pour ça je possède toute une panoplie de réponses adaptées aux situations diverses. Je suis une guerrière peut être même un Samouraï, même si je suis née dans l’Isère profonde. Des prodromes éclairs annoncent mes crises de folie. Elles me vrillent le crâne - malgré le traitement neuroleptique puissant dont je gère la posologie, par paliers réguliers. Ils viennent probablement du fait que petite je tombais toujours la tête en avant sur le sol. Depuis des bourrasques de mots habitent mon cerveau.
Photo de Sylvie
Aflalo-Haberberg


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