Ummagumma
J'ai
ouvert la porte de la chambre de mes frères et les ai trouvés
toutes lumières éteintes, volets clos.
- Qu'est-ce que vous faites ?
- Chut, m'ont-ils répondu.
Je me suis assise à côté d'eux sur le lit.
Une musique douce battait comme un cœur bat, comme un pas qui avance.
Ça durait, ça durait...
Ils avaient l'air d'attendre quelque chose et j'attendais avec eux, dans le noir.
Une voix a chuchoté Kerfoul vataxiou gène. L'un de mes frères a tendu le bras pour monter le volume du tourne-disque puis un cri – mon dieu, ce cri ! – a déchiré l'obscurité.
J'ai crié aussi, j'ai bondi hors du lit, me suis jetée sur la porte.
Leurs rires étouffés m'ont stoppée dans mon élan. Ils avaient arrêté le disque.
- Encore, ils ont dit.
- Encore, j'ai dit.
Je suis revenue me pelotonner entre eux et ils ont remis la musique, qui battait douce.
Je retenais mon souffle. J'attendais comme eux que vienne la terreur délicieuse.
Née au Vietnam, grandie en Afrique, Colette Daviles-Estinès a été longtemps paysanne. Elle puise son inspiration dans un sentiment de perpétuel exil. Nombre de ses textes ont été publiés à La Barbacane, Le Capital des Mots, La Cause littéraire, Un certain regard, Revue 17 secondes, Ce qui reste, Paysages écrits, Le Journal des poètes, Écrit(s) du Nord, Nouveaux délits, Comme en poésie, Verso, La Toile de l'un... Ses recueils : L'Or saisons (éditions Tipaza, mai 2018), Matrie (éditions Henry, septembre 2018), Feux de friche (Tipaza, avril 2022) et La mesure des murs (L'Ail des ours, juillet 2022). Voir son site : http://voletsouvers.ovh. Présente dans tous les n° de Lichen depuis l’origine, à l'exception des n° 77, 78 et 115.
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