La femme qui mangeait des montagnes
C' était le bon vieux temps. Les printemps hennissaient, chevaux sauvages galopant dans des prairies fleuries de soleil en rayons.
Les secrets gémissaient des ridules sur la surface miroitante des ruisseaux.
Le monde avait le temps. Les femmes accueillaient les larmes de lavande des époux qu'elles délaissaient.
C'était un jour au ciel mauvais, un jour du bon vieux temps.
Tresses sifflant contre ses joues tannées d'étés pleinement vécus, une femme aux jupons ocre, rouille, sable d'or avançait sur un sentier caillouteux.
La
faim tenaillait tout son être, ses mains noueuses se crispaient
encore et encore.
Les récoltes généreuses assuraient des mois
d'opulents festins.
Mais la faim de la dame aux tresses était plus grande que vos rêves, que mes rêves et que les rêves qu'elle-même logeait en son sein.
La dame aux tresses avait faim de fougères, d'aiguilles de pins, de hautes futaies. Elle voulait dévorer la rocaille, l'ubac, l'adret. Et la montagne tout entière.
L'orage conquérant renforçait son vertigineux appétit.
Sa détermination arc-boutait le tracé des rivières, déracinait le chant du vent dans les ajoncs, désorientait le récit des pierres sèches.
Elle arriva au sommet, et se fit violence pour ne pas engloutir tout l'horizon montagneux qui avait bercé le babil de ses nuits et consolé les chagrins qui arquaient aujourd'hui de rides son visage.
Elle se nourrit de montagnes, jusqu'à quitter les cimes, troublant, de sa nage, les eaux sombres du ciel. Apaisée. Enfin.
Claire Lucie Maignien « Écrire est ma plus belle façon d’exister. Dans les parcours labyrinthiques ou sur les sentiers de mes joies, la poésie me guide, tel un fil d’Ariane. », dit-elle. Deux recueils ont été publiés en 2018 : Dans ce miroir, nos renaissances (sous le pseudonyme Mona-Claire Milonin) chez iPagination et À un cœur étourdi dans les virages du temps (sous le pseudonyme Jazz Houria Maïdi) chez Édilivre. Présente dans les n° 55, 56, 57, 62, 63, 66 ,67, 72, 73, 74, 78, 79 et 82.
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