Où le véritable héros du film ?
À propos d’Elephant (Gus van Sant), palme d’or au festival de Cannes 2003.
T-shirt jaune
John – c’est le nom de l’acteur mais aussi celui du personnage – sillonne
des couloirs, cheveux jaune paille, teints
et abstraits, un taureau noir agrémente le vêtement, arbres
jaunissant d’automne indien, trajectoires
pixellisées qui se télescopent dans
l’attente tragique de la fusillade, on ne peut expliquer
et la psychologie n’a plus cours (bouc émissaire, nazisme, c’est insuffisant), les ados
tentent d’asseoir des significations sur les mondes adultes explosés
– cuisine impeccable de la mère du futur tueur, banlieue proprette, proviseur
chauve mais bienveillant, pourvoyeur de guns sur internet et père
alcoolique mais aimé – dad à la fin dans la peur – ce que les ados
y opposent – sport, filles maquillées se faisant
vomir dans les toilettes, autre fille plus laide mal dans sa peau – alors
John conduit à la place du père ivre, puis on
varie les focalisations interne/externe, rejoue
même scène avec autre point de vue, mixant temps/espace, puis
les tueurs, pianistes ou non, tuent
d’abord le photographe et l’aide-bibliothécaire donc l’art puis
le pouvoir – le proviseur – puis les amants dans la chambre froide, puis
n’importe qui,
un tueur tue un tueur,
et le ciel bleu jaune du générique initial se conclut en bleu final avec
lueur jaune dans le ciel, OVNI cinématographique et brûlant,
la caméra suit la nuque de chacun, massacre réaliste de jeu vidéo organisé
par sociétés aveugles et contemporaines, lisses et impassibles
mais là n’est pas la question, le cinéaste homosexuel aime les corps poétiques
– dans le ralenti splendide du terrain de sport passe un autre ado au T-shirt jaune, il
reste au bord du cadre, secondaire mais persistant de couleur jaune aussi, à la fin
erre dans le lycée de la tuerie aide une fille
à s’échapper par la fenêtre, s’approche
du tueur par derrière – est tué – seul ne fuit pas
mais tente de sauver – nommé plus tard Benny, il est noir, T-shirt jaune
Anne Barbusse a publié des textes dans les revues Arpa, Le capital des mots, Sitaudis, Comme en poésie, Terre à ciel, Cabaret, Recours au poème, Traction-Brabant et Nouveaux délits. Présente dans les n° 58, 59, 60, 61, 62 et 63 de Lichen.
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