Alain Lecomte


J'ai vu hier en me penchant par la fenêtre
un sourire accroché
au volet des sorcières,
une eau limpide et nue,
un casier plein de fleurs
des agrumes découpés
une peau transie de peur
un éclair très froid
passant sous les arbres
une frondaison ardente,
un château de sable
fait dans mon enfance,
une solitude bleue,
un regard affable,
un palmier transplanté 
gardant ses rêves d'Afrique,
des montagnes enneigées,
un vieux loup maigre
comme un coup de trique

et des champs de seigle,
des marmots grelottants
sous leurs vestes gelées

et des miroirs reflétant
les couteaux du gel

et les gerçures du vent.

°

On pressent ce que doit être à la nuit le vol immobile des lucanes,
quand il s'étend sur un paysage livide, plein de remords et d'ennui.
Les scarabées pullulent et l'éclat sombre des élytres s'endort à la nuit
on ne voit plus les oiseaux, les menaces, les regards qui les broient.
En soulevant un couvercle on fait surgir d'un champ en contrebas des routes
un épais brouillard de terre, d'âme et de bras qui ne bruit plus des cigales.
On s'endort à la nuit comme on se donne en pâture aux épidémies virales.
Que reste-t-il alors de nos élans enthousiastes ? Rien, si, peut-être
une pluie qui vient d'on ne sait où puisque le temps était sans nuage
une pluie d'or comme il en vient aux enfants, aux dieux et aux sages.




Alain Lecomte, ancien universitaire, poète et voyageur, partage sa vie entre Grenoble et un petit village de la Drôme provençale. Présent dans les n° 33, 34, 35, 36 de Lichen.

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