Sabine Hélot


Mon intérieur

Parfois, je me sens tout vide. Quand on m'a crié dessus. Quand on a été injuste. Quand je suis triste. Et pourtant, je sais que tout est là, dedans. Rien ne s'est échappé de moi. Je n'ai vu pas vu mon cœur, ni mon estomac, ni mes intestins tomber par terre. Ils sont tous là. Mais peut-être se sont-ils imperceptiblement rangés, pressés les uns contre les autres pour que je sente un tel désert à l'intérieur de moi ?

Mes yeux

Parfois, j’ai peur que mes yeux s’évadent. Je sens bien qu’ils bougent, hop, un coup à droite, hop un coup à gauche. Qu’ils se tendent vers ce qu’ils voudraient voir. Qu’ils veulent s’en rapprocher. Toucher peut-être. Qu’ils veulent avoir la liberté d’une bille ou d’un cochonnet qui filent où bon leur semble. Mais moi, je veux qu’ils restent. S’ils s’ennuient, ils peuvent apprendre à faire de la gym. Et faire des sauts périlleux, des saltos arrière, pour voir ce qui se passe dedans ma tête.

Mon nombril

Parfois, je voudrais m’ouvrir à tout, en grand. Donner de l’air et de la lumière. Chasser l’obscurité et l’odeur de renfermé de mon intérieur. Faire voler la poussière qui reste dans les coins. Je voudrais tout révolutionner. Tout renouveler. Tout au milieu de moi, un nœud à dénouer pour tout recommencer. Mon nombril attend secrètement son sésame. Je suis mon propre trésor et je veux être aussi mon découvreur, mon Ali Baba à moi, chanceux et rusé.










Sabine Hélot vit et travaille en Bretagne. Son métier l'amène à lire, rencontrer des auteurs et, par là, sans cesse, exercer, affiner, reconsidérer, bouleverser ses goûts et ses envies. Extraits d'une série de brefs textes poétiques, intitulée Mon petit corps (presque 50 blasons juvéniles), ces textes ont la particularité de pouvoir être lus autant par des enfants que par des adultes. Ils correspondent en effet à un passage en revue des divers membres, organes, manifestations corporelles d’un petit garçon de 8 à 10 ans par lui-même. La tonalité majeure est celle de l’étonnement, de l’émerveillement ou du regret vis-à-vis du fonctionnement et de la fonctionnalité de ce corps. C'est sa première apparition dans Lichen.

1 commentaire:

  1. Cette réappropriation de soi par soi dans un effort "désenjambant" le corps au moyen d'une parole simple mais précise et fine, ainsi proche et communicative, m'intéresse et me plaît. Beaucoup.

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