Florentine Rey : Je danse encore après minuit
(éditions Gros Textes, 2017 ; ISBN : 978-2-35082-347-8 ; 68 pages ; 9 €).
Les lectrices et lecteurs de Lichen ont déjà pu lire plusieurs textes de Florentine Rey (voir les
numéros 7,
9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17 et 18). « Née à Saint-Étienne en 1975, elle se consacre aujourd’hui
— après des études de piano, les Beaux-Arts et la création d’une entreprise
dans le multimédia — à l’écriture et à la performance. Son travail interroge
notamment le corps et le féminin », dit sa notice.
Les éditions Gros Textes (créées et animées dans les
Hautes-Alpes par le libraire-bouquiniste Yves Artufel) viennent de publier son
dernier recueil : Je danse encore après
minuit, 57 petits textes très brefs, denses, intenses... Vrais. Crus. Vifs. Qui mordent. Qui vont droit
au but. Sans concession. Sans fioritures.
« Il y a
des femmes perdues dans un monde d'hommes,
elles traversent la
vie à la nage en tenant
d'un côté le réel et
de l'autre la main de leurs enfants. » (29)
Florentine Rey est une sorte de Richard Brautigan féminin.
La même brièveté radicale, le même sens de la concision, de la photographie
sans concession du quotidien, de l'instantané, du flash-du-vécu, de
l'immédiateté. Comme lui,
elle ne craint ni la trivialité, ni le sordide des situations qu'elle sait dédramatiser
grâce à un humour ravageur.
« Une voiture passe : le papa, la maman et les enfants.
Ouf, je ne suis pas dedans. » (45)
«
J'avais une blessure. Elle ne voulait pas rester seule.
J'ai
fait un trou dans l'étang gelé et j'ai pêché. Une
fois
la quantité maximale de blessures remontées
je les
ai regroupées dans un parc. J'hésite sur
l'orientation
: cimetière ou parc d'attraction ? » (18)
Elle nous dresse son autoportrait :
« Énervée comme tout le monde, la gorge nouée
comme tout le monde, réversible comme
tout le monde, inquiète, en quête, en manque comme tout
le monde, je veux une nouvelle bagnole comme
tout le monde, amoureuse comme tout le monde,
poète comme tout le monde, n'a pas écouté où
se trouve la sortie de secours comme tout le monde,
alors ? Je suis normale, non ? » (20)
« Tout ce que je fais, c'est trop.
Je bois des litres, je fume des caisses, je n'arrive à
rien.
Même ce rien, c'est trop. » (p.
14)
Ses recettes (que
devraient méditer tous les bavards de l'écriture) : « Je promène mes histoires dans la nature, je leur cherche des milieux et
des fins. Quand elles sont à meturité, je les abandonne une nuit et je reviens
les chercher le lendemain, ça les stresse, elles se défont subitement de tout
ce qui n'est pas essentiel. » (16) « On
oublie tout et on se laisse aller, bonheur léger, une chaussette vide en guise
de passé. » (6)
Impossible de tout citer. Alors, juste un dernier petit
florilège pour se mettre en appétit :
« Il sont sortis en file indienne dans un
désordre de
fourrures, de cornes et de queues. J'ai compté les
pattes, les oreilles, j'ai attrapé la ritournelle d'un
oiseau pour la garder quelques instants dans ma
gorge, j'ai salué les nuées d'insectes au bout de mes
doigts, j'ai salué les rongeurs de vertèbres. Animal
après animal, j'ai recraché toute l'arche. » (48)
« Viens, on va se
marrer,
on va se marrer
ensemble.
[...] On va se marrer
jusqu'à la dernière
flamme. » (57)
«
[...] on parlera
de nos petits projets
le mien
c'est de tout faire péter. » (1)
Élisée Bec, pour Lichen.
Un petit bijou *********
RépondreSupprimerBelle découverte pour moi !
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